dimanche 22 janvier 2012

L'utilité de l'utilité

Ramuz a 24 ans: mêmes questions sur le pourquoi de l'écriture, sur les raisons qui poussent à mettre le monde en page. Le voir se battre contre lui-même m'aide à mieux voir les tenants et les aboutissants de ce combat en moi, de mieux cerner les enjeux et les pièges de ce programme d'écriture que je me suis dessiné.

Vers la fin d'une longue causette dans son vieil appartement de Recoleta, Hugo Mujica m'a raconté son expérience chez les moines trappistes: tous les après-midi, son supérieur l'envoyait dans la forêt, sans son rosaire, avec l'interdiction formelle de faire quoi que ce soit, même pas prier – surtout pas! Après quelques mois, celui qui allait devenir prêtre et poète a commencé à comprendre que la vie ne se gagnait pas: qu'on fasse quelque chose ou qu'on ne fasse rien, on continue à vivre.

Donc: je ne suis pas "plus" moi parce que j'aligne des mots sur une page, pas "plus" moi parce que des gens les lisent, pas "plus" moi si je pouvais payer notre loyer grâce à eux (les mots et les gens...). Il y a simplement des mots qui sont écrits parce que les circonstances de la vie m'en ont donné le temps, l'envie et les moyens.

Mais, au fait, avoir une utilité, ça sert à quoi?