lundi 16 avril 2012

C'est juste pour un berceau

– Ton collègue m'avait dit que c'était 60 pesos, pas 90...

– Oui, c'est pour un mini-flete, un Fiorino. Là, je t'ai mis un flete normal.

– Mais bon... C'est juste pour un berceau et un meuble à tiroirs avec une table à langer dessus...

– T'as les dimensions du berceau?

– Non, je l'ai jamais vu...

– Alors, si tu veux, je te mets un flete à 80.

Pendant tout le trajet entre chez Achelli et chez nous, assis à côté des deux employés bon enfant de Pablo Radio Remis y Flete, j'ai médité sur la différence entre résignation et acceptation dont parlait Gustavo l'autre soir, sur la manière débonnaire dont les gens, ici, profitent à tout bout de champ les uns des autres, sur mes réticences à rappeler encore et encore ce Totti, le patron de la boîte, jusqu'à ce qu'il daigne, une fois, peut-être, me répondre et me faire un prix parce que c'est son pote Rodo qui m'envoie, médité sur ces deux pauvres petits meubles perdus dans un coin de ce fourgon flambant neuf.

Alors, beaucoup plus près de la résignation que de l'acceptation, j'ai fini par donner 100 pesos aux deux gars rigolards en les remerciant pour leur travail et en faisant tout ce que je pouvais pour essayer de voir ça comme un don à l'univers plutôt que comme une arnaque à la petite semaine – mais j'aurais dû leur dire quelque chose, tout peut toujours se discuter: négocie, mon bonhomme, négocie! –, tout ce que je pouvais pour souhaiter à ces deux gais tâcherons de profiter au mieux des fruits d'un des quarts d'heure à n'en pas douter les plus rentables de leur carrière.