lundi 18 juin 2012

Un cadeau de l'autre côté de la mort

Une note, de 2010:

"Cette nuit, j'ai rêvé de papa. J'étais avec Trudi et lui dans une ville, peut-être Bâle, peut-être Lucerne, peut-être Zurich, peut-être un mélange de toutes les trois, une ville que j'avais déjà traversée dans un de mes rêves.

On est entrés dans une banque avec sa rangée de bancomats, juste pour voir, juste après que j'aie dit à la personne qui m'accompagnait – mais il n'y avait personne d'autre – que Trudi était la fille du patron de Merkur, Merkur dont on voyait une enseigne dans la nuit de l'autre côté de la rue.

On est passés devant les bancomats et on a fait demi-tour. Papa a dit quelque chose sur les distributeurs de tickets, de quittances, qui avaient été recyclés et il a tiré un petit bonbon d'une boîte qui était là avec le même geste qu'il avait parfois quand il passait l'index dans les parcomètres pour voir s'il ne restait pas une pièce.

J'ai mis la main sur son épaule et j'ai senti l'os, j'ai senti qu'il était à la fois mort et pas mort, j'ai senti que ces retrouvailles précaires étaient un cadeau de l'autre côté de la mort, j'ai senti aussi qu'il n'y avait pas vraiment d'autre côté, qu'il n'y avait pas vraiment le côté de la mort et le côté de la vie, qu'il y avait un seul côté, que tout ce qui se passe dans le monde n'avait qu'un seul côté là où on en voyait deux.

Après, en prenant le tram – il faisait jour –, j'ai entendu une marche funèbre et j'ai vu un cortège de camions qui transportaient des voitures noires et qui roulaient à reculons parce que c'était une sorte de concours qui était organisé ici, une fois par année, seulement pour les conducteurs expérimentés."