vendredi 28 septembre 2012

Une assemblée matinale

Première surprise à peine touché le tarmac argentin: les employés au sol sont en pleine "assemblée". En d'autres termes, ils pourraient bien faire grève, ils se tâtent, ça peut durer entre dix minutes et quelques heures. Finalement, une gentille hôtesse de terre nous dit qu'ils se sont remis à bosser, lentement, mais remis à bosser quand même. Au pire, pour autant qu'ils ne changent pas d'avis, on risque un retard dans la livraison des bagages.

L'employé du service d'immigration met un moment à comprendre que nos résidences précaires sont échues depuis deux semaines. Est-ce qu'on vit en Argentine?

– Euh... oui. Mais, tu sais, nos résidences permanentes sont déjà arrivées chez nous, les amis qui gardent notre appart nous l'ont confirmé, si si, je t'assure!

– Désolé, faut que j'aille voir mon superviseur.

Le type, au demeurant très sympathique, sort de son box en verre, passe devant la rangée de guichets et prend tout, mais alors vraiment tout son temps avant de revenir avec une mine raisonnablement souriante.

– C'est bon, j'ai vérifié, vos DNI ont bien été émis et j'ai les nouveaux numéros. Heureusement, parce que sans ça, vous comprenez, le système, il m'aurait pas laissé continuer.

Le fonctionnaire sort un petit stylo de sa trousse, trace méthodiquement le stempel qu'il avait fait dans mon passeport avant sa visite à son chef et en fait un nouveau juste au-dessous. On peut maintenant passer aux empreintes digitales et aux photos.

– T'as vu ta gueule? T'as vraiment l'air crevé.

– Et toi, t'as vu la tienne?

– T'es sûr qu'elle vient de Suisse, ta femme? Moi, vu les yeux, je dirais plutôt de Chine... Lucie, c'est encore celle qui a l'air la plus réveillée!

Une fois arrivé au tapis roulant, les funestes prédictions de l'hôtesse de terre se vérifient: tous les containers ont été livrés sauf, bien entendu, celui avec nos bagages: le ton commence à monter entre les employés et un groupe d'Argentins qui ne doivent pas être à leur première assemblée et qui savent d'expérience que ça peut assez facilement s'éterniser.

Heureusement, les divinités syndicales sont avec nous: le tapis se peuple de nouvelles valises dont les nôtres: la noire, là-bas, l'autre noire, le sac noir, l'autre sac noir, le sac rouge, mais... Il est ouvert! Qu'est-ce qu'il y avait dedans, déjà, à part le lit de Lucie? Des petits habits pile-poil pour sa taille et quelques bonnes choses offertes par Dellon, bonnes choses qui, nous devons nous rendre à l'évidence, ont certainement dû égayer un brin cette frisquette assemblée matinale de fin d'hiver austral.