dimanche 10 mars 2013

Au bord de la Panamericana

Une note, de 2007:

"Il y a tous les gaz d’échappement des huit pistes dans les deux directions et le parfum qui vient de l’une des quatre filles, peut-être de plusieurs, sans doute – c’est ce qu’il pense, c’est ce qu’il aimerait, ce qu’il veut – de celle au chemisier blanc. Alors la nuit s’organise autour de son odeur à elle, les perspectives tracées par les voitures, celles aux phares jaunes, celles aux phares rouges, peuvent être suivies, accompagnées, peuvent servir de nourriture jusqu’à ce qui sera sans doute une boîte, ou un bar avant une boîte et une autre boîte. Ce parfum qui vient de la peau, chauffé par la peau à travers le tissu blanc du chemisier et qui tourne en avant de tous les gaz d’échappement, qui se détache, aussi net que le souvenir de Mexico qui prend maintenant toute la place dans sa tête à lui.

C’est du bord que ces villes immenses semblent le plus grandes, du bord qu’on peut imaginer leur taille, au nombre de voitures qui passent, au nombre de voitures qui passent à cette heure parce que c’est le milieu de la nuit : toutes ces vies qui continuent à s’organiser dans toutes ces rues au milieu de toutes ces maisons, dans toutes ces maisons, des vies qu’on peut s’imaginer, qu’il peut s’imaginer en passant de l’une à l’autre, sans trop s’arrêter, trop entrer dans les détails : garder à l’esprit en même temps toutes les traces de ces possibilités de vie, des possibilités qui auraient pu lui être réservées, qui lui sont peut-être encore réservée pour une toute petite partie d’entre-elles.

Toute une énergie qui monte de l’ensemble de la ville, de l’ensemble de ces vies qui font ce qu’elles peuvent pour se construire, pour croître, pour devenir, l’ensemble de ces énergies tendues vers l’ensemble de ces buts, des énergies qui pourraient ne s’additionner qu’en valeurs pures, jamais être contraires même si certains de leurs buts le sont certainement, un ensemble d’énergies qui se rassemblent maintenant en lui pour lui permettre de se laisser aller dans le parfum de cette fille, se laisser passer le long de son corps sous le tissu, sans peut-être la toucher, mais dans cette zone encore plus chaude et plus parfumée autour du ventre, sur les côtés du ventre et sous les bras.

Et toutes ces vies qu’il peut imaginer sont teintées de son parfum et de son corps à elle, sont accompagnées par une musique qu’il a l’impression d’entendre et il se laisse aller à l’ensemble de l’image qui serait de plus en plus calme et de moins en moins sexuelle, de plus en plus ouverte, simple, vers quelque chose qui pourrait peut-être se résumer à un coucher de soleil, mais ce n’est pas aussi simple.

Alors, tout continuerait à se passer ailleurs.

Et la nuit d’être la nuit.

Mais c’est un bus qui arrive et le papa laisse les quatre filles le prendre.

Mais c’est encore un autre bus qu’il faut attendre."