jeudi 4 avril 2013

Un million de mantras – jour 9

Autour des cinq heures du mat. Dans le dojo: Patricia, Gustavo et moi. Je me rends compte que Patricia s’est mise à compter les syllabes à la place des mantras et que le nenju file à toute vitesse dans sa main.

Petit exercice de prise de la vie comme elle vient: si Patricia compte faux, c’est que ça doit être comme ça. D’autres personnes à d’autres moments de la pratique ont certainement compté trop lentement alors ça doit s’équilibrer. Et puis, quelques milliers de plus ou de moins... Mais je finis quand même par me lever et poser mon index sur les billes devant son nez en avançant, comme il se doit, au rythme du mantra. Petit sourire de Gustavo.

Il faut dire que les problèmes qui surgissent dans le groupe viennent presque tous du comptage: chacun se donne beaucoup de peine pour bien compter, mais se donne de la peine à sa manière, dans son coin. Indice des déphasages de tempo: le nenju se met à décoller des tatamis et à se balancer dans l’air pendant que les deux personnes au bout du petit pont de perles commencent à se lancer des regards noirs.

Parfois, les problèmes sont plus cruciaux encore, par exemple quand un des maîtres oublie de passer une bille sur le boulier après un tour de 500. Gustavo, quand je le lui avais fait remarquer le plus diplomatiquement possible pendant les 300’000:

– Alors, Monsieur Pierre! Vous faites rien gratis, vous!

Encore pire: aurait-on oublié de passer une des billes rouges du onzième rang tout en haut, une de ces billes qui valent quand même 50’000? Objet du litige: la petite flèche sur un Post-it accrochée à un des fils, petite flèche qui change de sens une fois que les dix rangs noirs sont passés histoire montrer dans quel sens – vu l’état, c’est pas de trop – faire avancer lesdites billes noires.

Est-ce qu’il faut finalement faire avancer une bille rouge après un aller et retour de tableau complet, ce qui nous ferait une bille à 100’000, ou, comme d’habitude, à la fin de chaque tableau? Il faut dire que cette année, on a commencé bizarrement à compter par en bas et que cette histoire de flèche est venue – mais qui a eu cette idée? je soupçonne mon cher Martín – remplacer cette habitude beaucoup plus économique de ramener toutes les billes sur la droite à chaque passage de bille rouge.

À la fin du tour du Sensei, Patricia me tape sur l’épaule:

– T’as pas vu que je m’étais endormie?

– Non. Tout à l’heure, quand je suis venu pour que tu comptes autrement?

– Mais oui: c’est pour ça que je comptais plus vite!