jeudi 31 octobre 2013

Ce numéro n'existe pas

Une note, de 1998:

"J’avais oublié sa carte de visite. Elle était restée sur le téléphone au coin de la rue. Le bout de carton beige était collé contre le métal par la rosée. J’ai composé son numéro.

Le numéro que vous avez composé n’existe pas.

Vérification du cadran numérique, du papier et de nouveau du cadrant. Monologue pincé de la bande au bout du fil. Je ne pensais pas qu’il soit possible de disparaître aussi totalement, que la rosée pouvait effacer jusqu’aux amours de passage."

mercredi 30 octobre 2013

Imaginer un regard extérieur

Une note, de 1999:

"Imaginer un regard extérieur pour vivre ici et maintenant."

mardi 29 octobre 2013

Ce ton qui me connaît mieux que moi

Il n’y a pas ce que je veux raconter et la manière de le raconter: c’est une seule et même chose.

Je me trompe en disant que j’ai déjà la matière de plusieurs romans avec ces pages et ces pages au fond de mon disque dur, que je n’ai plus qu’à trouver la manière de les raconter: c’est dans ce plus qu’à que se trouve toute la matière de l’écriture.

Concentration, concentration.

Tout reprendre à la racine.

Écrire encore une fois ces pages mais avec un autre ton qui vient d’un autre lieu, ce ton qui n’est pas le mien, ce ton qui me connaît mieux que moi.

lundi 28 octobre 2013

La séparation entre ici et là-bas

Une note, de 2010:

"La question de la séparation entre ici et là-bas, entre les différentes choses que je fais ici et que je fais là-bas, comme si je ne pouvais pas faire les mêmes choses en Suisse et en Argentine, ou, en tout cas, pas de la même manière.

Je me demande quels sont les profits que je tire de ces séparations intérieures. À court terme, ça me permet certainement de m’y retrouver un peu mieux, mais ça me sépare aussi de moi-même, ça me sépare par le centre, ça me sépare au cœur de ce que je fais – est-ce que ça me sépare au cœur de ce que je suis?

Comme si, plus au moins consciemment, je m’étais mis dans la tête que mon séjour ici me servait à gagner mon temps de là-bas, comme si je mettais ma vie entre parenthèses sous prétexte de pouvoir vivre mieux là-bas, mieux et plus. Comme si je vivais moins ici que là-bas, comme si j’étais capable de vivre plus ou de vivre moins, comme si vivre, ça pouvait se quantifier."

dimanche 27 octobre 2013

L'espace accumulé

Une note, de 1999:

"L'espace accumulé multiplie les rencontres et la solitude."

samedi 26 octobre 2013

L'importance de mon combat

– Plus je donne d’importance à mon combat, à mes ennemis, plus c’est à moi, bien entendu, que je donne de l’importance.

vendredi 25 octobre 2013

La vie n’a pas besoin d’être désirée

– Oui bien sûr, certainement, mais comment se débarrasser du désir de vivre avant de mourir?

– La vie n’a pas besoin d’être désirée, elle est là. La mort n’a pas besoin d’être crainte, elle est là. Chaque chose en son temps.

jeudi 24 octobre 2013

Citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com

– C’est toujours les mêmes phrases des mêmes auteurs que tu postes sur Facebook.

– Oui, c’est parce que je les prends dans des bouquins, pas sur citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com.

– À part à mieux vivre et à moins souffrir, ça sert à quoi la vie?

– À nous laisser le temps de poster des citations sur Facebook...

Le défaut de la présence

Le défaut de la présence, pour l’égo, c’est qu’elle ne peut pas se capitaliser.

mardi 22 octobre 2013

On ne peut pas vaincre l’esprit avec l’esprit

– On ne peut pas vaincre l’esprit avec l’esprit, il faut revenir à la respiration. Elle nous aide à être spectateurs des pensées qui se succèdent, elle est notre seul gourou.

lundi 21 octobre 2013

Pourquoi utiliser les mots?

Si j’ai la volonté de retourner au centre, pourquoi monter dans ma tête et utiliser les mots? Pourquoi prendre ce détour confortable, ce détour que j’utilise ici: faire des phrases plutôt qu’être dans le moment?

dimanche 20 octobre 2013

Aller dans ce qui me fait peur

Aller dans ce qui me fait peur, toujours. Et voir, une fois que j’y suis, qu’il n’y avait pas la moindre raison d’avoir peur. Un peu comme sur scène.

samedi 19 octobre 2013

Quand je mange, je mange!

Aujourd’hui, j’ai appris que si les moines zen ont de très longues manches, c’est entre autres pour rester concentrés quand ils prennent leur soupe: quand je mange, je mange!

vendredi 18 octobre 2013

La paresse est une peur lente

Une note, de 1999:

"La paresse est une peur lente."

jeudi 17 octobre 2013

Des morceaux de corps

Une note, de 2009:

"Le trajet de mon regard sur les filles: visage, seins, cul (ordre variable), évaluation d’une adéquation, d’une harmonie, d’un plaisir possible, et oubli immédiat.

Qu’est-ce que je garde, à la fin de la journée, de toutes ces micro-évaluations? La certitude que le monde est peuplé de belles femmes extérieures à moi? Pourquoi est-ce que je plonge mon regard sur elles pour le retirer aussitôt? Pourquoi est-ce que je fais ces incursions brèves dans ces beautés?

Parler de beauté est exagéré: pointage de détails attirants, plutôt. Je n’ai affaire, au fond, qu’à des morceaux de corps."

mercredi 16 octobre 2013

La place qu'on fait au possible

Une note, de 1999:

"Le possible naît de la façon qu’on a de le recevoir, dans la place qu’on lui fait."

mardi 15 octobre 2013

Faire pour faire

Pas besoin de faire quelque chose pour alléger en moi cette impression qu’il y a quelque chose à faire.

lundi 14 octobre 2013

La nouveauté de l'autre

Une note, de 2010:

"La nouveauté de l’autre était là pour m’aider à lire ce que j’avais déjà en moi, pareil pour la nouveauté de l’autre lieu. Ma vraie recherche a toujours été la connexion, mais je croyais qu’elle passait par une autre, qu’elle passait par un ailleurs, alors qu’elle ne passait que par moi."

J’ai fait partie de la vallée

En courant le long du petit aéroport militaire de San Vittore, au milieu des champs qui ont repris leurs droits entre les montagnes, j’ai senti cette légère ivresse caractéristique de l’état de méditation.

D’abord, bien entendu, je me suis élancé par la pensée à la rencontre des sommets enneigés qui me faisaient face, mais les cloches des vaches qui se sont mises à résonner très fort autour de moi m’ont ramené dans l’ici de chaque foulée.

Alors, grâce aux cloches, aux champs, aux montagnes, à ces kilomètres dans les jambes et dans le souffle, tout d’un coup, je me suis concentré et dispersé dans un seul mouvement: le temps de quelques respirations, j’ai fait partie de la vallée.

samedi 12 octobre 2013

Ce qui pourrait être ne sera jamais

Ce qui pourrait être ne sera jamais: mon imagination me met à l’écart de ce qui est.

vendredi 11 octobre 2013

Plus vrai que ce que je crois être le moi

Une note, de 2010:

"L’exercice est simple, comme d’habitude, désespérément simple. Me contenter de le suivre et de voir ce qui se passe, de sentir en moi ce qui se développe, ce qui peu à peu prend sens dans ces mots qui sortent de moi comme d’eux-mêmes, ces mots qui n’ont plus besoin de moi pour sortir de moi, ces mots qui me sont dictés par quelqu’un qui est en moi mais qui n’est pas moi, qui n’est pas ce moi que je connais, qui est au-delà de ce moi que je connais, plus profond, plus entier, plus vrai que ce que je crois être le moi."

Les mots qui ne veulent pas devenir

Une note, de 1999:

"Il tourne autour des mots qui ne veulent pas devenir."

mercredi 9 octobre 2013

Au cimetière de Bellinzone

Une note, de 2006:

"Mes pas m’ont mené au cimetière de Bellinzone. J’ai hésité à y entrer et tout le calme de ces tombes m’a appelé. Je m’y sens bien. Quelques bruits de la ville en arrière des oiseaux, une tronçonneuse qui insiste, quelques voitures. Je pense à papa qui bientôt sera sous terre. Je pense à ce grand cycle de la vie qui nous dépasse – pour autant qu’on y prête attention."

mardi 8 octobre 2013

Le charme périlleux de l’incertitude

Grande discussion avec Laure autour de ma nouvelle dans Léman Noir. Ce qui l’avait marquée dans mon texte, c’était qu’on ne pouvait pas vraiment se faire une idée du narrateur: pas assez caricatural pour qu’on puisse s’en moquer, pas assez sympa pour qu’on puisse s’y identifier.

Et puis, au cours de la causette, l’argumentation dévie et se met à flotter. Ce qui était un des points forts de ma nouvelle, en fait, je devais plutôt penser à le corriger: il fallait que je force le trait et qu’on puisse avoir affaire à un personnage clairement détestable pour que mon message soit plus clair.

– J’ai pas été trop dure?

– Mais non mais non: je trie, pas de souci!

Dans son argumentation parallèle qui semblait pouvoir soutenir à la fois, avec beaucoup d’habileté rhétorique, le charme périlleux de l’incertitude et la nécessité d’une construction narrative rassurante et claire, dans son développement du plus en plus alambiqué dont les contradictions se mettaient à percer sous l’averse de figures de style, j’ai compris que Laure avait touché du doigt le centre de mon projet: son inconfort disait l’inconfort stimulant que je cherche à générer chez le lecteur privé de conclusions sur lesquelles s’assoupir.

lundi 7 octobre 2013

L'ordre des événements à l'esprit

Une manière souple de s’ajuster au déroulement de la pensée, de respecter l’ordre dans lequel surviennent les événements à l’esprit, dans lequel surviennent les mots pour les dire, pour fonder une familiarité de l’intérieur avec le lecteur.

dimanche 6 octobre 2013

D'autres comptes à régler

Qu’est-ce qu’il reste une fois que les comptes sont réglés si ce n’est d’autres comptes?

samedi 5 octobre 2013

Le Bleu Lézard

Une note, de 2004:

"Le Bleu Lézard, tout un programme. Pourquoi ne pas commencer par sa clientèle (la trentaine, un livre à la main, voire deux) ou alors l’une de ses serveuses (courbes filant entre les tables dans la géographie précise des clients qu’il est possible de frôler (parfois de manière appuyée) et de ceux qu’il est préférable de garder à distance, une table ou plus) ou encore sa déco (toute la patine du vieux bar de quartier agrémentée d’un design pointilliste matérialisé en particulier par des lampes halogènes minuscules pendues devant le crépi d’un moiré crémeux), voire sa cave (endroit à la fois sombre et surexposé de lumières aux couleurs saturées, nombre ridicule de mètres cubes que se disputent âprement les décibels, les blocs de fumée et l’humidité des corps compressée par les murs de briques noires sur lesquels elle dégouline faute de pouvoir les déplacer), mais peut-être vaudrait-il mieux concentrer son attention sur ce couple attablé dans un coin, couple qui ne semble pas avoir grand-chose à se dire et qui semble, tous comptes faits, des plus empruntés.

La représentation textuelle de ce silence pesant pourrait prendre la forme d’un tiret suivi de points de suspension, tiret sous lequel pourrait aisément prendre place un autre pourvu de points de suspension similaires, manœuvre qui pourrait se répéter sans problème au long de plusieurs pages suivant l’importance accordée par l’auteur au poids du silence en question. Cette représentation d’une absence de communication pourrait naturellement prendre bien d’autres formes encore, formes qu’il aurait été certainement instructif de détailler si la femme du couple silencieux n’avait pas choisi d’éclater en larmes à cet instant précis. Les métaphores visant à décrire ces sanglots affluent dans une quantité proportionnelle à la vigueur peu commune de ce débit lacrymal: on ne retiendra ici – pour son aspect parlant plus que pour son originalité, on l’aura compris – que sa comparaison avec les célèbres chutes du Niagara. Peu de changement pour l’homme si ce n’est, peut-être, dans la nature de sa gène, changement qualitatif particulièrement difficile à discerner de visu. Tout un programme."

vendredi 4 octobre 2013

Me laisser traverser par celui que je suis

Une note, de 2010:

"Une fois de plus, le chemin est d’apprendre à me laisser traverser par celui que je suis."

jeudi 3 octobre 2013

Au niveau de ce mal

Si j’en veux à ceux qui me font du mal, je me mets au niveau de ce mal qu’ils produisent en moi.

mercredi 2 octobre 2013

Ils ont compris quelque chose

Je suis de plus en plus attentif à ceux qui réussissent dans ce qu’ils font, même si c’est pour transformer cette réussite en argent ou en gloire. Bien entendu, mon premier réflexe est de les juger, mais je dois me rendre à l’évidence: ils ont compris quelque chose.

Ils arrivent à réunir des volontés, à fédérer des énergies autour d’un projet qui les dépasse, mais, plutôt que de se laisser entrainer par cet élan qu’ils ont su canaliser, ils le réduisent à leur propre mesure.

mardi 1 octobre 2013

Ce n’est pas moi qui vais renaître

Ce n’est pas moi qui vais renaître, c’est un autre porté par l’énergie qui s’est accumulée de vie en vie jusqu’à celle que j’ai prise pour la mienne.