mercredi 30 avril 2014

Un emplâtre sur une jambe de bois

À la fin de ce très beau discours de Wyss pour la remise du Prix Dentan à Philippe, à la fin de la prise de parole sensible, intelligente et douce du lauréat, j’ai su que je venais de vivre, suspendu dans le temps, accoudé à l’un des radiateurs de ce vénérable salon du Cercle littéraire avec ses boiseries, ses hauts plafonds et sa table de billard, un authentique moment de littérature.

J’en suis ressorti avec deux certitudes: on m’avait montré un des chemins les plus honnêtes et francs pour arriver à l’écriture, mais la création littéraire ne serait jamais autre chose qu’un emplâtre sur une jambe de bois, un lot de consolation, très très beau lot, c’est vrai, mais soigneusement à l’écart de ce que ma vie cherche à me faire comprendre.

mardi 29 avril 2014

La fiction satisfait notre besoin de consolation

- La fiction satisfait notre besoin de consolation.

lundi 28 avril 2014

Printing Sirius first part

– Alors, pas trop déçu?

– Ben si, au début, quand même, mais j’essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur… Quand c’est aussi gros que ça, je me dis que c’est parce que ça devait pas se faire.

– Je suis quand même désolé pour toi. Mais bon, ça nous fera une grosse réserve de fans pour Payot Lausanne!

– C’est vrai que cette histoire de Sirius, à la BCV, ça a dû leur paraître louche…

– Ils m’ont envoyé une lettre pour me dire que le paiement était bloqué, qu’ils avaient essayé de me joindre et tout: mon œil! Alors je leur ai expliqué que j’étais éditeur, que Sirius était le titre d’un livre et que c’était pour ça que c’était écrit Printing Sirius first part dans les commentaires. C’est évident que les gars en Thaïlande allaient pas commencer le boulot s’ils avaient pas leurs sous…

– Tout bien réfléchi, tu sais, c’est peut-être mieux comme ça: à Genève, j’aurais été perdu dans la masse…

– En tout cas, j’espère qu’il va me porter chance ton bouquin… Déjà que tu m’as fait passer pour un trafiquant de drogue!

dimanche 27 avril 2014

Ne fais pas propagande de tes oeuvres

Conseil numéro 52 de Gurdjieff à sa fille:

– Ne fais pas propagande de tes oeuvres ou des tes idées.

samedi 26 avril 2014

Quelques photos de terroristes

Les mêmes photos sont placardées à l’extérieur de la guérite des douaniers, dans un état de délabrement bien supérieur à celles exposées contre la vitre du couloir de l’immigration. L’impression – selon toute vraisemblance, une imprimante à jet d’encre bon marché – de mauvaise qualité n’a pas résisté longtemps aux pluies tropicales : les visages se sont effondrés, leurs couleurs saturées se mêlant à l’encre noire du montant de leur mise à prix.

Pour certains d’entre eux, il est impératif de faire appel au souvenir des versions sauvegardées de ces prises de vues pour y reconnaître ne serait-ce que l’esquisse d’une physionomie. Quant à pouvoir attribuer à quelqu’un ces traits grossièrement rendus par un photomaton probablement au bout du rouleau, traits passés ensuite à la moulinette du scanner, de l’agrandissement puis de l’imprimante, c’est une autre histoire.

Pas question non plus de revenir en arrière pour détailler une nouvelle fois les portraits mieux conservés du bureau de l’immigration : comme souvent, cette portion du trajet aéroportuaire est à sens unique et ni l’humeur du moment, ni l’ambiance du lieu n’incline à ce genre de facéties rebelles. Reste le souvenir de ces visages communs, pas franchement plus patibulaires que d’autres, pas plus souriants non plus, mais bon.

La dangerosité des terroristes auxquels ces figures appartiennent est confirmée par le nombre de zéros répartis sous leur gorge, zéros avec lesquels elles se sont pour la plupart confondues, sur la fin du trajet pédestre qui coïncide avec le début du trajet automobile tarifé à la tête du client (oui, le taximètre est en panne, non, je ne peux pas vous dire combien ça va coûter, dépêchez-vous, j’ai d’autres clients qui attendent).

À se demander, vu la qualité mondialement reconnue des geôles locales, à laquelle de leurs deux représentations ces terroristes, pour autant qu’ils soient pris, ressembleront le plus après quelques jours d’interrogatoires menés avec abnégation par des fonctionnaires malheureusement le plus souvent peu – ou trop, mais désœuvrés et consciencieux – perspicaces. Peut-être que cette prise qui pend ostensiblement entre le taximètre et le rétroviseur permettrait de et puis non : tel hôtel à tel numéro de telle rue, s’il vous plaît.

vendredi 25 avril 2014

Tiret, pas tiret

– Dans ton blog, on sait jamais vraiment qui parle...

– En général, quand je fais une citation, je mets un tiret, c’est tout. L’important, c’est les mots, pas qui les a dits.

– Tiret, pas tiret: beaucoup trop subtil pour moi!

jeudi 24 avril 2014

Essaie de prendre soin de toi

– Essaie de prendre soin de toi quand même quand t’as une minute. Une respiration. Un regard en l’air. Je t’embrasse.

– Ouaip! La méditation, ça aide bien dans ces cas-là. Un abrazo!

– Tu m’apprendras (rire).

– Avec plaisir (sourire énigmatique de maître zen).

mercredi 23 avril 2014

Le Nouvel An bouddhique en Thaïlande

Songkran est le nom thaïlandais de la fête du Nouvel An bouddhique. Propre au bouddhisme theravada, elle est fêtée également en Birmanie (Thingyan), au Cambodge (Chaul Chhnam), au Laos (Pimay) et chez les Dai du Yunnan.

En Thaïlande, les réjouissances attachées à cette fête, originellement mobiles, sont désormais fixes afin de faciliter la vie civile : elles ont lieu tous les ans du 12 au 15 avril, soit environ deux semaines avant le Salon du Livre de Genève. La date exacte du Nouvel An est toujours tributaire du cycle lunaire, elle correspond aussi à la période la plus chaude de la saison sèche.

Traditionnellement, les gens, tous les gens, même les imprimeurs, rentrent dans leur famille et font acte de respect envers leurs aînés en leur versant un peu d’eau parfumée sur les mains. Si cette tradition se perpétue dans les familles, ses manifestations publiques ont énormément évolué et, aujourd’hui, la fête est devenue prétexte à de gigantesques batailles d’eau dans les rues des villes.

À Chiang Mai notamment, où cette fête est particulièrement célébrée, des pick-up chargés de bidons d’eau et de jeunes gens défilent dans les rues le long desquelles la foule est massée, armée de seaux d’eau. Les deux groupes, motorisés et piétons, s’aspergent mutuellement dans une ambiance bon enfant.

mardi 22 avril 2014

Pour que l'autre change

– Paradoxe: si l'autre c'est moi, il me reste totalement étrange étranger....

– Une des idées qu'il y a derrière ce paradoxe, c'est que le changement de l'autre passe par le changement à la fois de mon regard sur moi et de mon regard sur lui. Il faut que je devienne autre pour que l'autre change.

lundi 21 avril 2014

Les incohérences de l'autre

Les incohérences de l'autre ne sont pas les siennes mais les miennes. 

dimanche 20 avril 2014

L'autre, c'est moi

Je ne peux pas changer l'autre pour une bonne et simple raison: l'autre, c'est moi.

samedi 19 avril 2014

Par autre chose que le récit

Avec le Sirius, j'ai voulu écrire une histoire qui tenait par autre chose que le récit, par des échos, des reflets, des insistances, des motifs récurrents qui construisent l'unité du texte à partir des bords.

vendredi 18 avril 2014

Par amour des livres

– Vous vous occupez de la communication pour un salon d’auteurs: qu’est-ce qui a motivé ce choix professionnel?

– C’est l’amour des livres, de la lecture et de la chose écrite en général. Mais non, je déconne. C’est par intérêt: je me suis dit qu’en plus de me permettre de nourrir ma petite famille, ça m’aiderait à reconstituer mon réseau et à me faire un peu remarquer après mes sept ans passés en Argentine.

– Est-ce que côtoyer les auteurs, les éditeurs et les libraires a changé votre vision de la littérature?

– De la littérature, non, mais du monde littéraire. Je dois dire qu’il n’y a rien de tel que de voir les gens de près, de les voir fonctionner au jour le jour pour faire disparaître assez rapidement toute trace d’enchantement. Je croyais que les écrivains, que les grands écrivains étaient des personnes particulières, en fait ce sont seulement des gens qui savent écrire.

– Ce qui en fait des personnes particulières...

– Oui, au même titre que vous et moi. Ce qu’on gagne en écrivant, c’est comme vous avec vos interviews: de la reconnaissance. Ce besoin de reconnaissance, j’aimerais beaucoup arriver à m’en passer, mais on dirait qu’il me reste encore un sacré bout de chemin...

– À ce propos, j’ai ouï dire qu’un premier roman allait tout bientôt…

– Attendez, je vous arrête: je préfère qu’on en reparle dans trois semaines quand vous aurez eu l’occasion de le lire. Là on pourra vraiment causer.

jeudi 17 avril 2014

On ne peut obliger aucune rencontre

Une note, de 1999:

"On ne peut obliger aucune rencontre. Je veux dire par là: on ne peut rendre aucune rencontre absolument inévitable."

mercredi 16 avril 2014

De l’énergie tournée vers l’extérieur

L’écriture, c’est de l’énergie tournée vers l’extérieur.

Me contenter des mots que je rassemble sans chercher à les présenter.

mardi 15 avril 2014

Réduire l'écriture

Comme pour la méditation, réduire l’écriture à une seule chose - par exemple obtenir de la reconnaissance - n’est pas mal en soi, mais ça me prive de tout le reste, de tout ce qui se passe durant cet acte d’écriture et dont je n’ai pas la moindre idée.

Tout ceci dit autour de la table du salon de Gustavo.

lundi 14 avril 2014

Bague!

– Papa pleure!

– Oui, papa il a pleuré.

– Bague!

– Oui, papa a pleuré parce qu’il a perdu sa bague.

– Là!

– Oui, elle était là: on voit encore la marque, regarde. C’était une bague que j’aimais beaucoup: c’est maman qui me l’a donnée quand on s’est mariés. Elle en a aussi une, au même doigt.

– Poules!

– Oui, c’est quand on est allés vers les poules. Il faisait froid et quand je t’ai mis mon bonnet sur les mains, j’ai perdu ma bague. Mais j’ai pas remarqué.

– Monnet!

– Oui, pour que tu aies bien chaud aux mains.

dimanche 13 avril 2014

Ineo

Ineo, les trois dames que tu as vues depuis que tu es sorti de la maternité, c'est Monique, ma maman, Adèle, on l'appelle aussi Dellon, c'est une des sœurs de ma maman, et Jacquie, c'est la maman de ta maman.

Tu as de la chance d'avoir pu rencontrer Adèle et Jacquie, parce qu'elles vont bientôt mourir, c'est-à-dire qu'elles vont bientôt aller dans le ventre d'une autre maman un peu comme la tienne, qu'elles vont devenir des bébés un peu comme toi et qu'elles vont pousser le même grand cri que celui que tu as poussé mercredi soir quand tu as passé la tête entre les cuisses de Celia.

Adèle et Jacquie t'attendaient avec beaucoup d'impatience, tu sais. D'abord parce que ce sont des femmes curieuses et qu'elles se réjouissaient de voir ta frimousse, mais aussi parce qu'elles savent, tout au fond de leur cœur, que tu vas leur montrer le chemin de cette nouvelle vie qui les attend: Ineo, en latin, ça veut dire j'entre dans le monde.

samedi 12 avril 2014

Profiter de cette impasse

– Ce qui m’énerve le plus, tu sais, c’est qu’elle profite pas de ces derniers moment qui lui restent. Je vais être dure, mais je crois que ça serait mieux qu’elle prenne pas ses médics et qu’elle vive vraiment, même si c’est moins longtemps.



- Un truc qui m'aide, dans ces cas-là, c'est de penser que c'est jamais figé, que ça peut toujours bouger par un bout: si l'autre ne peut pas avancer, je peux toujours avancer grâce à lui, je peux profiter de cette impasse pour apprendre à vivre un peu mieux ce qui me reste à vivre. 

vendredi 11 avril 2014

Bébé, l’est où?

– Tu vois, dans quelques jours, maman elle sera dans un lit comme Nana, mais dans un autre hôpital.

– Tousse!

– Oui, Nana elle tousse. C’est parce qu’elle a pas mis sa veste, tu vois. Il faut mettre ta veste quand tu vas dehors, tu sais.

– Malade!

– Oui, Nana est malade. Mais maman, si elle va à l’hôpital, c’est pas parce qu’elle sera malade, c’est parce que le bébé va sortir de son ventre.

– Bébé, l’est où?

– Dans le ventre de maman. Mais bientôt, il sera dehors et il fera connaissance avec sa grande sœur!

– Icie!

– Oui, sa grande soeur Lucie.

jeudi 10 avril 2014

Partez à l'aventure

Hier matin, le mot du jour du calendrier zen:

"Partez à l’aventure

Pour casser l’une de vos routines et modifier la perception de votre vie, procédez à une nouvelle expérience: prévoyez de partir demain matin en empruntant un itinéraire, ou un mode de transport, différent, qui prenne au moins dix minutes de plus pour arriver à destination."

J’imagine qu’une journée et un bon bout de la nuit à la maternité, ça doit aussi bien faire l’affaire.

C'est parti

Assis à côté de ce lit de l'hôpital de Morges où Celia vient de commencer ses contractions de pré-travail,  je reçois ce mail de mon cher éditeur:

"On a vérifié l'exemplaire test. Les pages sont dans le bon ordre. La couverture est belle me dit-on. C'est parti."

mardi 8 avril 2014

A l'orée d'une forêt

Le monsieur qui venait tondre le gazon chez maman s’est suicidé en s’aspergeant d’essence à l’orée d’une forêt.

– Quelle faute est-ce qu’il devait expier pour choisir cette méthode-là?

lundi 7 avril 2014

Tout son être dans sa réponse

- Peut-être que, tout à la fin, la réponse sera la même que celle du début, mais celui qui répond mettra tout son être en elle, quitte à renvoyer au maître son coup de bâton, et tout l’univers vibrera à l’unisson de cette vérité personnelle.

dimanche 6 avril 2014

Mon bide sur le chemin

Celia reprend son violon: quelques gammes, des bouts de mélodies.

Tout d'un coup, une petite note toute nue et un éclat de rire:

– Sur la corde de mi, j'ai mon bide sur le chemin!

Un bide énorme, en effet: le terme, c'est pour demain!

samedi 5 avril 2014

La seule chose dont j'ai besoin pour vivre

Une note, de 2010:

"Ce matin, pendant la méditation, la conscience très profonde que chaque respiration était la seule chose dont j'avais vraiment besoin pour vivre, là, au moment où je la prenais."

vendredi 4 avril 2014

Un petit tour en enfer

– La religion est pour ceux qui ont peur d’aller en enfer. La spiritualité est pour ceux qui y sont déjà allés.

jeudi 3 avril 2014

Une boucle très épaisse, grasse, cabossée

La lumière des écrans lisse les traits concentrés des deux visages qui flottent aux coins de la salle, quelques mètres au-dessus du sol, jusqu’à les aplatir, jusqu’à donner l’impression que les figures sont non pas devant mais dans les écrans, des hologrammes, des images de synthèse grises devant la nuit.
Le rythme est très rapide, brisé, crispé, les sons sont industriels.
Des lignes verticales du même gris, très fines, encadrent les DJs, leurs gestes choisis. Elles dessinent un espace vectoriel, une cage, un système de protection perfectionné qui entoure les pièces particulièrement rares dans les musées.
Aucun des deux ne se penche sur l’assemblée qui se défoule par à-coups sous les stroboscopes.

Une voix nasillarde se place dans le rythme, répète comme des slogans avec un accent rauque, dur, et puis un gros rire sardonique.
Les visages dans leur halo de lumière grise restent impassibles, les mains s’agitent sans doute derrière les écrans, précises, prêtes à balancer la rythmique qui tourne déjà dans un des gros casques portés de travers.
Une boucle très épaisse, grasse, cabossée, se glisse sous les syncopes, sous le triangle qui bat très vite, sans arrêt, pointillé tendu à travers toute la fumée balayée de faisceaux blancs, balayée de faisceaux bleus.

Un homme très large d’épaules entre, marche droit sur un type aux cheveux phosphorescents, se jette sur lui. Un genou sur la gorge, il lui balance un extincteur dans la tête, plusieurs fois – son manteau tourne autour de lui.
Le crâne est défoncé, mais la mâchoire bouge encore, comme pour dire quelque chose. Le visage est devant l’extincteur, un peu tordu, plat, comme une erreur de perspective, une illusion des stroboscopes.
L’homme repart, écarte des ravers en latex qui continuent de sauter, de bouger la tête dans tous les sens.

Les boucles tournent, toujours aussi fort, les projecteurs balayent.
La salle met du temps à se figer.

mercredi 2 avril 2014

Juger, apprendre

– Juger, c’est me mettre au-dessus, apprendre, c’est me mettre en dessous en me disant que ça pourrait bien m’arriver à moi aussi.

mardi 1 avril 2014

Préparer le futur au présent

Quand je suis en lien avec le moment présent, ce que je fais spontanément est en lien avec le cours de choses et prépare bien mieux le futur que n’importe quel projet.

Avant, pendant, après

– Que faire d’une si longue amitié impuissante ?

– Continuer à la cultiver, avant, pendant, après.