vendredi 20 novembre 2015

Tendu

Une note, de 2007:

"Tendu comme je ne l’ai pas été depuis longtemps. Le monde m’arrive comme à travers un voile qui serait accroché à mon plexus. Tout me semble un peu flou et ce qui dépasse le reste, les bruits surtout, me fait sursauter à l’intérieur, ce qui veut dire que tous mes organes sautent sans que mon expression change, sans que ma peau soit véritablement affectée.

Il y a aussi l’effort qu’il faut faire pour faire entrer un peu d’air au milieu de ce corps serré sur lui-même et cette impression d’être sale, très sale, de regorger de pellicules et que tous les gens autour de moi dans le métro, eux aussi, sont très sales, exhalent de petites puanteurs intimes, de vieux cols, de bouches et de cuirs chevelus.

Et mon visage un peu moins sensible, comme pendant une bonne cuite, une bonne journée de ski, mes mouvements mesurés et mes coups d’œil brefs, pour surveiller le monde, cette impression d’aller chez le dentiste – il s’agit d’un cours de tango –, mon désespoir quand la boulangère m’a dit qu’elle ne pouvait me rendre sur mon billet de deux pesos pour mes deux croissants et que j’ai été forcé de lui dire que je ne pouvais pas les lui acheter, alors, sans même me plaindre, sans même insister, sans même faire tout le petit cirque qu’un Argentin, à ma place, aurait fait."