dimanche 14 février 2016

Un filet lumineux

Une note, de 1999:

"Derrière le muret, il y a la mer; quand on s’approche et qu’on se penche un peu, il y a ce qui tombe de la route (débris de plastique, de verre et de papier), mais aussi ce qui la quitte pour se perdre un peu plus bas (vieil escalier de pierre) sous le piège à déchets des arbustes malingres. Le trafic et le soleil entrent en résonance, masse des rayons travaillée au corps par l’accélération des motos, le bourdonnement des cars et les klaxons décroissants qui sanctionnent les dépassement suicidaires.

D’un seul coup, la rumeur est reléguée au second plan par un pétillement frais (de ceux qui accompagnent l’ouverture des canettes), pétillement bientôt doublé d’un gargouillement léger, tous deux réguliers, puis saccadés, puis intermittents, puis plus rien.

Elle est accroupie sur l’escalier, sa robe noire au-dessus de la taille, un talon sur une marche (petite culotte autour de la cheville) et l’autre deux marches plus bas, son visage vers le sol, concentrée. Un filet lumineux serpente jusqu’aux arbustes, assombrit la poussière tout en la parsemant d’étincelles, hésite parfois au seuil d’un degré puis se lance dans le vide.

Elle, toujours accroupie, les cuisses parallèles, face au mur, tout son poids sur la jambe du bas: le ruisseau se perd sous les arbustes. Elle bascule d’abord la tête en arrière puis se lève. Le hurlement des moteurs couvre le reste de la scène."